Regardons
la précarité
en face Photographies de Denis Rouvre

Doroftei 10 ans
Doroftei vit avec ses parents et sa sœur Marinela dans un bidonville de la région parisienne. Pour poursuivre sa scolarité, Doroftei doit présenter un certificat de vaccinations. Mais comme de nombreux enfants vivant dans un logement précaire, il n’a pas été régulièrement vacciné. Médecins du Monde assure les premiers soins et aide sa famille à faire une demande d’Aide médicale d’État (AME) pour qu’il puisse être pris en charge et mettre à jour son carnet de santé.
1/3 En savoir plusArmelle 22 ans
Armelle s’est rendue dans un centre de soins de Médecins du Monde pour consulter un gynécologue. « Ici, les filles comme moi, qui n’ont pas d’argent, peuvent se faire soigner gratuitement. » La contraception lui fait peur, elle a entendu parler de plusieurs méthodes mais elle n’a pas vraiment confiance. Elle a déjà une petite fille de 9 ans, restée au Cameroun. « Si je suis partie c’est pour elle, pour pouvoir l’envoyer à l’école. »
42% En savoir plusYoussouf 40 ans
Youssouf vit chez un ami car il n’a pas de quoi se payer un logement. Youssouf est malade. Il est réveillé chaque nuit par la douleur. Il ne peut pas se soigner. « À l’hôpital on demande la carte vitale et moi je ne l’ai pas. Donc je prends des cachets mais ça ne me fait rien. » Youssouf essaie de bénéficier de l’Aide médicale d’État à laquelle il a droit. Mais ça traîne. Il est découragé.
88% En savoir plusDiego 15 ans
Diego vit seul à Paris, loin de ses parents restés en République démocratique du Congo. Diego croyait qu’il pourrait se construire un avenir meilleur en France, repartir de zéro, aller à l’école. Après une expertise osseuse, réputée peu fiable, pour évaluer son âge, les services de l’Aide sociale à l’enfance décrètent qu’il n’est plus mineur et le mettent à la porte du foyer où il avait trouvé refuge. Aujourd’hui, Diego vit à la rue, dans l’attente que le juge des enfants décide de son sort. « Je suis seul et je ne sais pas ce qui va se passer. C’est dur. »
3 760 En savoir plusAzize 30 ans
Quand Azize arrive en France en mars dernier, il doit dormir à la rue car il ne connaît personne. Ce qu’il a vécu durant son parcours migratoire a laissé des traces. « Quand je suis arrivé, j’avais perdu tous mes repères, j’étais traumatisé. » Aujourd’hui, avec l’aide de Médecins du Monde, Azize va faire une demande d’asile aux autorités françaises. « Je dois me battre, ce n’est pas facile. »
15% En savoir plusZahid 34 ans
Originaire de Gujranwala, dans la province du Pendjab au Pakistan, Zahid est arrivé en France il y a deux ans. Depuis plusieurs mois, Zahid souffre de douleurs dans le dos. Avec seulement 300 euros par mois pour vivre, et une Aide médicale d’État en cours de renouvellement, il lui faudrait dépenser 23 euros pour consulter. Se nourrir ou se soigner, c’est son dilemme.
36% En savoir plusVidal 34 ans
3 000 euros. C’est le prix du voyage de Vidal pour la France. Il a duré trois mois. Parti du Congo Brazzaville, il est passé par la Turquie, la Grèce, puis l’Allemagne. « Je marchais 5 à 7 heures par jour dans le froid. J’ai traversé des forêts, des rivières. Souvent je ne savais plus où j’étais, ni où j’allais. » Enfin arrivé en France, Vidal est hébergé chez son oncle. « Mon souci, c’est de ne pas pouvoir travailler. En travaillant, on peut fonder une famille, avoir des enfants. »
5 770 En savoir plusObservatoire 2014
de l'accès aux droits et aux soins
Nous les croisons chaque jour dans les rues sans leur prêter attention.
Souvent même, nous détournons le regard. La pauvreté, la maladie dérangent. Ces femmes, ces hommes et ces enfants, précaires, exclus, que Médecins du Monde accompagne tous les jours en France comme ailleurs dans le monde, nous avons voulu leur donner la parole, leur donner un visage.
À l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, qui est aussi la date traditionnelle de parution de notre Observatoire de l’accès aux droits et aux soins en France, ils ont accepté de se faire les ambassadeurs de tous ceux qui partagent leur sort. Chacun d’eux illustre à la fois un itinéraire personnel et une faille dans notre système de santé et d’accès aux soins.
Dans toute leur humanité, leur dignité, avec leurs souffrances et leurs espoirs, ils nous regardent, les yeux dans les yeux. Et nous interpellent.
La précarité n’est ni une fatalité ni un choix pour ceux qui la vivent. Elle ne doit ni faire peur, ni diviser.
Regardons-la en face, pour mieux la combattre.
Jean-Michel 44 ans
Jean-Michel s’est injecté de l’héroïne pendant 30 ans. Dans les années 1980, « à une époque où les seringues n’étaient pas en vente libre », il contracte « une saloperie ». Aujourd’hui, après un traitement de fond à la méthadone, Jean-Michel ne s’injecte plus. Quant à sa maladie, un traitement efficace existe désormais, mais à un prix exorbitant. « Un traitement si cher ne sera sans doute pas accessible à tout le monde. J’ai peur qu’il y ait une sélection parmi les patients. »
Imre 40 ans
Depuis l’âge de 13 ans, Imre n’a connu que la rue. Depuis plusieurs années, il souffre d’une grave pathologie chronique qui nécessite un protocole de soins réguliers et une hygiène irréprochable, incompatibles avec sa vie dans la rue. Suivi par Médecins du Monde, et dans le cadre d’un programme de réinsertion des sans-abri, il est hébergé depuis huit mois dans un foyer. Il peut désormais prendre une douche quotidienne. Son état de santé s’est stabilisé. Aujourd’hui, Imre suit des cours de français pour trouver un travail, et sortir de la misère.
Pierre 46 ans
Sa vie, Pierre reconnaît que « c’est une partie d’échecs, et ce n’est pas une grande réussite ». Depuis 25 ans, il vit à Paris dans une chambre insalubre. Il lui arrive de passer des mois sans pouvoir se laver. Au fil du temps, Pierre a dû faire face à l’isolement. « Ce que l’on perd quand on n’a pas d’argent, c’est la relation humaine. » Sa précarité, il la ressent surtout dans sa relation aux autres. « Je suis très souvent confronté à l’indifférence, parfois à l’hostilité. Ma vie contraste tellement avec la leur que les gens me ressentent comme une agression. »
Najat 50 ans
Najat a quitté le Maroc où elle vivait seule pour rejoindre sa sœur Aïcha, son mari, et leurs cinq enfants. Depuis plusieurs mois, elle souffre d’une perte progressive de l’audition. Déjà équipée d’un appareil auditif à l’oreille gauche, c’est aujourd’hui pour une surdité partielle de l’oreille droite qu’elle consulte Médecins du Monde. Sans couverture maladie et en attente de régularisation, Najat doit payer l’intégralité de ses frais médicaux. Plusieurs milliers d’euros que sa sœur Aïcha prélève sur ses économies malgré le petit salaire de son mari, employé dans un restaurant, et son travail de femme de ménage.
Constantin 60 ans
Autrefois, Constantin avait un métier. Il travaillait sur des chantiers. Un jour, un bloc de béton est tombé sur sa jambe et depuis, il ne peut plus travailler. Sans revenu, il n’a d’autre solution que de vivre à la rue, sous une tente. Les quelques euros qu’il mendie chaque jour lui permettent de manger un peu mais ça ne suffit pas. Quand il a trop faim, il se rend « à l’aide alimentaire ». Il ne peut pas rester longtemps debout dans la file d’attente. Il fait souvent demi-tour.
Marco 41 ans
Dans sa vie, Marco a consommé « toutes sortes de poudres et de pastilles multicolores ». Aujourd’hui, il ne se considère plus comme un usager actif. Dans le squat parisien où il réside, il fait de la prévention tous les jours. « Une bouteille, un joint, une paille, une seringue qui ont déjà servi : le risque est partout. » Il fonde beaucoup d’espoir sur les salles de consommation, qui limiteraient les risques liés à l’usage des drogues. « On prend beaucoup plus de risques pour sa santé quand on est contraint de se cacher. »